On nous présente depuis plusieurs semaines la situation de la Grèce de manière un peu simpliste. Cette dernière s’est surendettée jusqu’en 2009, et malgré l’aide de ses partenaires européens, ne faisant aucun effort, sa situation économique ne fait que se détériorer depuis. La réalité est assez différente.

Comme expliqué précédemment, la Grèce a au contraire réalisé des efforts énormes de réduction des dépenses publiques et de nombreuses « réformes structurelles ». On peut argumenter que beaucoup reste à accomplir, mais certainement pas que rien n’a été fait.

Désaccords dès le 1er plan d’Aide de mai 2010

Alors quand la Troïka nous explique qu’elle en est à son 3ème plan d’aide, il est légitime d’y regarder de plus près. Le Wall Street Journal a publié des extraits de documents confidentiels du FMI qui révèlent les désaccords lors du conseil d’administration de mai 2010 qui a validé le premier plan de sauvetage. Pendant que le représentant Suisse se plaint de l’absence de restructuration de la dette impliquant le secteur privé, les remarques du représentant indien sont particulièrement prophétiques :

« The scale of the fiscal reduction without any monetary policy offset is unprecedented…(It) is a mammoth burden that the economy could hardly bear. Even if, arguably, the program is successfully implemented, it could trigger a deflationary spiral of falling prices, falling employment, and falling fiscal revenues that could eventually undermine the program itself. In this context, it is also necessary to ask if the magnitude of adjustment…is building in risk of program failure and consequent payment standstill…There is concern that default/restructuring is inevitable. »

Bien sûr, cela n’a pas empêché C. Lagarde en juin 2013, alors à la tête du FMI, d’expliquer que personne ne se doutait de la nécessité d’une restructuration de la dette. Ou Schäuble de dire que la faute incombe de toutes façons aux Grecs.

Le Haircut de 107 Md € en fév. 2012

Les créancier privés ont accordé 107 Milliard d’€ de réduction de dette à la Grèce en 2012. Mais on oublie d’expliquer qui détenait alors cette dette ! La réponse se trouve un rapport du FMI (page 12)

dette_grecque_fin_2011

En clair, fin 2011, les banques européennes s’étaient largement désengagées, par contre, les banques domestiques et les « domestic nonbank » (assurances, fonds de pensions grecs) avaient été priés de conserver leurs titres de dette grecque. Bilan, les fonds de pensions ont perdu 10 milliards d’euro avec le haircut, soit ~60% de leurs réserves ! Pas étonnant que la Troïka affirme aujourd’hui pudiquement qu’ils doivent être réformés ! Les banques grecques, elles, ont été recapitalisées… avec de l’argent frais prêté aux grecs.

Sans surprise, le « haircut » de 107Md € en 2012 ne s’est finalement traduit que par une baisse de la dette publique grecque de 51 Md ! Ce n’est pas rien certes, mais on est donc loin de ce que la commission européenne et l’Allemagne en tête affirment ad nauseam afin de passer sous silence leurs propres erreurs.