Le gouvernement Valls a récemment annoncé un plan de 50 milliards d’économies sur 3 ans. Cela représentent quand même 2.5 point de PIB, alors plus facile à dire qu’à faire? Que nous apprends le dossier de presse:

  • 18 milliards pour l’État
  • 11 milliards sur les collectivités locales
  • 10 milliards sur l’assurance maladie
  • 11 milliards sur la protection sociale

Pour le moment, le plan est assez flou, mais déjà une 1ère arnaque. Valls parle de 50 milliards « par rapport à la croissance des dépenses publiques ». Sans changement, ces dernières ont tendance à « spontanément » augmenter, au moins avec l’inflation. Il faut donc comprendre qu’on ne parle pas d’une baisse de 50 Md. des dépenses, mais d’une baisse par rapport à la hausse attendue. 2ème arnaque, comment déterminer cette hausse attendue ? On imagine bien que le gouvernement trouvera toujours une comptabilité lui permettant de crier victoire.

Comment se Répartit la Dépense Publique ?

Quoiqu’il en soit, il est utile d’aller faire un tour sur le site de l’INSEE afin de se donner quelques ordres de grandeurs.

 Principales dépenses par administrations publiques en 2012
Administrations publiques centrales
(y compris État)

État

Administrations publiques locales

Administrations de sécurité sociale

Administrations Publiques (2)
en Mds d’euros2012/2011
(en %)
en Mds d’euros2012/2011
(en %)
en Mds d’euros2012/2011
(en %)
en Mds d’euros2012/2011
(en %)
en Mds d’euros2012/2011
(en %)
(1) : en espèce et en nature.
(2) : les transferts au sein d’un même secteur sont consolidés. La somme des dépenses des secteurs est donc supérieure à celle de l’ensemble des administrations publiques.
Source : Insee, comptes nationaux – base 2005.
Consommations intermédiaires36,74,925,37,451,33,926,13,2114,04,1
Rémunérations des salariés134,71,3117,51,072,33,160,71,9267,71,9
Intérêts44,0-2,644,1-2,53,3-3,85,313,252,1-1,0
Prestations sociales (1)87,23,766,53,823,53,2418,03,5528,73,5
Formation brute de capital fixe9,7-3,94,9-2,345,43,58,6-1,363,71,7
Total des dépenses (2)453,11,8421,21,6242,53,1549,03,21 151,32,9

Et rappelons précisément quelles sont les administrations endettées et incapables de tenir leurs dépenses depuis 30 ans.

18 Milliards pour l’État

18 milliards représentent ~4% du budget de l’État, Valls vise donc probablement pas loin d’un gel des dépenses en valeur sur 3 ans. En 2012, les seules dépenses en baisse étaient les investissements (formation brute de capital fixe) et la charge de la dette grâce à des taux historiquement faibles. Les fonctionnaires n’ont vu qu’une augmentation de 1% de leur masse salariale.
Ces économies sont relativement faciles à réaliser, pour autant sont-elles pérennes ? Probablement pas. Les taux d’intérêt ne peuvent plus vraiment baisser. Un jour ou l’autre il faudra bien reprendre la construction des infrastructures dont le pays à besoin. Et au premier redémarrage de la croissance, les syndicats de la fonction publique exigerons un rattrapage.
Bien plus difficile est la réforme de l’administration, autrement dit réorganiser l’appareil de l’État et améliorer la productivité de ses fonctionnaires. Il n’y a qu’à voir le système Louvois de paiement des soldes des militaires pour comprendre que les gisements d’économies ne manquent pas mais leur exploitation sera longue et complexe. Pour le moment, la seule réforme sur le tapis concerne les collectivités territoriales (!) et s’appliquera après 2017 !?
En attendant, Valls devrait être honnête, geler pendant 3 ans les dépenses sans réformes sérieuses est peu crédible et au mieux sans lendemain.

11 milliards sur les collectivités locales

Pour rappel, « le poids [des dépenses locales] dans la richesse nationale est passé de 8% du PIB en 1980 à 11% en 2005  » , sous-entendu, elles dérapent. C’est surtout un chef d’œuvre de mauvaise foi que de passer à la trappe les décentralisations successives depuis 1982 et les lois Defferre. Les dépenses des collectivités locales augmentent parce que l’État leur transfert des compétences et leurs coûts non négligeables qui vont avec.
Quoiqu’il en soit, comment Valls compte-t-il imposer à des administrations relativement autonomes de baisser leur dépenses alors que leur endettement est pour l’essentiel raisonnable et sous contrôle ? Tout simplement en baissant de 11 milliards les dotations de l’État qui étaient justement censées compenser financièrement ces transferts. Il ne faudra pas s’étonner si cette baisse des dépenses s’accompagne d’une hausse des impôts locaux, peut-être pas de 11 milliards mais pas loin. Des baisses de dépenses publiques qui se transforme en hausse d’impôts, c’est fort non ?

10 milliards sur l’assurance maladie

L’assurance maladie, comme son nom l’indique n’est qu’une assurance. Tailler 10 milliards dedans, si les dépenses de santés ne baissent pas, ne fait que transférer ces 10 milliards vers les assurés sociaux. Au moins, Valls semble en être conscient et Marisol Touraine nous présente un plan d’économie sans précédents. Mais qu’y trouve-t-on ? Plus de génériques, moins d’actes redondants, lutte contre la fraude etc. C’est bien mais pas franchement nouveau. Par contre, une réforme efficace mais de longue haleine, serait une vraie mise en œuvre du Dossier Médical Personnalisé dont le pilotage par l’État est pour le moment défaillant si on en croit la Cours des Comptes. Passons de côté les problèmes de vie privée, ça fait peur, mais il est très facile de comprendre le potentiel en économies de gestion, simplification, meilleure qualité de soin et de suivi, etc.

Un Ecran de Fumée à 50 Milliards

Les économies annoncées sont-elles réalistes? Probablement, quand on y regarde de près, Valls n’a présenté aucun plan sérieux de réformes des administrations publiques qui pourrait échouer, sauf peut-être des collectivités territoriales. Il s’agit juste d’une collection de coup de rabots qui suffiront probablement pour remplir les objectifs avec le maquillage comptable adéquat. Et pourtant, les sources d’économies ne manquent pas. Et pour citer un rapport du FMI très intéressant

Fiscal consolidation must emphasize persistent, structural reforms to public finances over temporary or short-lived fiscal measures. […] Reducing public debt takes time, especially in the context of a weak external environment.

Autrement dit, maîtriser les dépenses publiques prend du temps et nécessite de vraies réformes au prix d’un minimum de volonté et de courage politique. Trop cher pour Valls probablement…