Régulièrement, on peut lire des articles montrant les chiffres du commerce international en croissance vertigineuse suivi d’une ode à la mondialisation. Qu’en est-il vraiment?


Vous êtes impressionnés? Moi pas vraiment…
D’où vient alors la différence? Ce qui vous est présenté dans les journaux sont les chiffres issus des douanes de chaque pays membre de la zone euro, ils sont donc en euros constants. Forcément, le journaliste standard opère alors une sortie de route au premier virage statistique venu.

L’inflation

En euro courant, les chiffres ne sont pas corrigés de l’inflation. Ai-je vraiment besoin d’expliquer pourquoi cette dernière, en gonflant les prix, ne représente en rien une mondialisation accrue?

La croissance économique

Si deux pays voient leur économie doubler en 25 ans, la moindre des choses est que leurs échanges doublent. Si ces derniers font plus que doubler, on peut alors légitimement parler d’une plus grande intégration de leurs économies respectives. C’est bien le sens donné à la mondialisation, une plus grande intégration économique des différents pays de la planète. Pour « gommer » cet effet ainsi que celui de l’inflation, j’utilise le ratio entre les échanges (exportation + importations) et le PIB (le tout en euros courants bien sûr).

L’intégration européenne

Les échanges à l’intérieur de la zone euro explosent. C’est normal, c’était le but recherché de la construction européenne, et sincèrement, je préfère que nous échangions avec les allemands du pinard et des BMW que des bombes ou du gaz moutarde! Mais les échanges intra-européens n’ont pas grand chose à voir avec la mondialisation sauf à avoir une vision extrêmement eurocentrique du monde. Ou alors, autant commencer à mesurer les échanges commerciaux entre New-York et la Californie! Pour ces raisons, j’utilise donc les chiffres du commerce extra-zone euro fournis gracieusement par Eurostat.

Toutes ces précautions prises, que peut-on constater?

De 2000 à 2008, les échanges de la zone euros sont relativement équilibrés et ont progressé certes mais pas énormément. Cela se compare tout à fait aux USA. La zone Euro est un peu plus ouverte, mais en même temps, nous avons aussi le reste de l’union et quelques pays riches à proximité. Attention, j’ai comparé jusque-là les échanges de biens par opposition aux services, les données d’Eurostat sont un vrai casse-tête à extraire! Mais ces derniers sont beaucoup plus faibles et ne changent pas fondamentalement la donne.
A partir de 2009, l’explosion des échanges s’expliquent surtout par un redémarrage de l’économie mondiale en parallèle d’une croissance européenne à la traîne. Pas de quoi se réjouir.

Mais pourtant l’Allemagne est montrée comme profitant pleinement de la mondialisation!!
Bien sûr, la croissance du commerce extérieur Allemand donne le vertige. Je présente ici les chiffres pour les échanges de biens et de services, via FRED franchement plus simple à utiliser qu’Eurostat.


Et là cela ne gêne personne? D’un côté, on a des zones économiques qui sont de plus en plus intégrées et s’ouvrent un peu à la mondialisation, l’Europe, les USA. Et de l’autre, l’Allemagne, environ ~25% du PIB de la zone euro, dont les échanges explosent sans répercussions sur les données de la zone euro? En fait, fondamentalement, l’explosion des excédents commerciaux de l’Allemagne s’est faite sur le dos de ses partenaires de la zone euro selon le bon vieux principe des vases communicants! Notez aussi que le phénomène commence très nettement à partir de 2000 soit un an après la mise en place de l’euro. Coïncidence? La question subsidiaire consiste à deviner où sont partis les capitaux allemands correspondant à ces excédents commerciaux. La réponse? Dans les pays de la zone euros dont les déficits commerciaux ont explosé, c’est à dire ceux actuellement en crise.

Que retenir de tout cela?

  • C’est tellement facile de raconter n’importe quoi avec des statistiques
  • La mondialisation est largement surfaite dans les journaux.
  • Contrairement à la légende, la zone euro a une balance commerciale à l’équilibre et n’est pas endettée vis à vis du reste du monde.
  • Ce n’est pas poli de le dire, mais une fois de plus, on voit que l’euro a induit des effets pervers. Il serait peut-être temps d’y remédier?