La Grèce est de retour sur le devant de la scène avec la relance du débat sur l’austérité et la nécessité d’une deuxième réduction de dette. Beaucoup d’intervenants ont tendance à expliquer que la Grèce doit rester réaliste, enfin appliquer des réformes structurelles, etc. Mais il serait déjà utile de quantifier les efforts déjà produits :


En euro courant, la dépense publique (avant le paiement des intérêts de la dette) a diminué de près de 30% depuis 2009! Malheureusement, le PIB nominal a lui aussi chuté de 24%.

Les efforts de la Grèce ont donc été réels et (probablement) sans précédents. Bien à l’inverse des effets expansionnistes de l’austérité que nous vantait pourtant notre élite européenne ! Bilan, les ratios d’endettements et de dépense publique grecs se sont à peine améliorés.

La Grèce est ainsi tombée dans un cercle vicieux dans lequel les excédents dégagés pour payer les intérêts de la dette plombent sa croissance, sans laquelle elle n’a aucun espoir de rembourser… La seule éclaircie pourrait venir d’une reprise de la demande externe, mais vu le contexte de la zone euro, les prévisions de la Commission Européenne d’une croissance du PIB nominal de 4.5% en 2016 paraissent irréalistes. Il est donc peu probable que l’on puisse échapper à un nouveau « haircut » sous une forme ou une autre, tout le monde semble à peu près d’accord là-dessus sauf les allemands.

Pour rappel, le premier haircut en 2012 a porté sur la dette encore détenue par le secteur privé, qui a subi un effacement de ses créances de 53.7% pour un montant de ~107 Md. €. Cela parait beaucoup mais est à comparer aux 300 Md. € de dettes quasi-intégralement détenues par le privé début 2010.
L’assistance financière publique (BCE, FMI, zone euro) apportée à la Grèce a en fait essentiellement permis aux banques européennes de se désengager à moindre frais. En 2010, laisser tomber la Grèce garantissait a minima aux États de la zone européen de devoir renflouer leurs banques pour un montant équivalent, avec en prime le risque de voir le système financier s’effondrer. Aujourd’hui, Merkel pense que ce risque a disparu puisque l’exposition du secteur financier est minimale. Peut-être…

Mais là n’est pas vraiment le fond du problème. En 2014, l’excédent primaire grec (surplus excluant le paiement des intérêts) a atteint les 7.1Md. €, soit ~3.9% du PIB. La négociation entre Syriza et la Troïka va donc surtout porter sur l’utilisation de cet excédent. Dans une grande partie de poker menteur, Berlin voudra l’augmenter, Syriza souhaitera en utiliser une fraction pour tenter de relancer son économie. Il y a fort à parier que quelque soit la solution négociée, un habile maquillage permettra d’afficher une dette officiellement toujours aussi élevée mais dont la charge annuelle sera réduite à quelque part entre 0 et 4% de PIB.

Tout le monde pourra alors crier victoire, sauf peut-être la construction européenne. Qui se souvient qu’en 1953, sous l’impulsion américaine, les principaux créanciers de l’Allemagne, dont la Grèce et l’Espagne, se sont réunis pour effacer 50% de sa dette ? Il était alors dans l’intérêt bien compris de tous de permettre à celle-ci de se redresser économiquement. Pourquoi aujourd’hui ne montrons-nous pas la même mansuétude à l’égard de la Grèce pourtant largement moins fautive ? La peur d’un précédent ? Vu le cauchemar économique dans lequel la Grèce vit depuis 2010, la leçon a probablement été retenue et rien n’empêche de la conserver dans les années qui viennent sous une forme quelconque de tutelle. Quitte à être réaliste, les dirigeants européens mais surtout allemands feraient bien mieux d’admettre que la dette grecque ne sera jamais intégralement remboursée et que maintenir ainsi dans la misère noire toute une nation, pourtant membre à part entière de l’union, est indigne du projet européen et de son idéal démocratique.