On assiste depuis la semaine dernière à une volée de statistiques économiques allemandes plutôt inquiétantes. Recul du PIB au 2nd trimestre, chute des exportations et des commandes à l’industrie. Bizarrement, cela semble surprendre tous ceux qui espéraient qui une reprise Allemande pour tirer le reste de la zone euro

Franchement, je ne vois pas pourquoi, l’Allemagne va dans le mur et elle entraîne l’Europe avec elle.

L’Allemagne n’Investit Plus


Le graphique est clair, non seulement depuis 20 ans l’Allemagne investit moins dans ses infrastructures que ses voisins, depuis 2003 les montants ne suffisent plus pour le simple entretien ! Ce sont donc les ponts qui voient leur trafic restreint sous peine de s’effondrer, le Canal de Kiel, pourtant vital pour Hambourg, dont les écluses sont tellement usées qu’il a du être fermé pendant 2 semaines l’année dernière, etc. Alors les pédants peuvent toujours expliquer que, maintenant que l’Allemagne dégage 200 millions d’euros d’excédents, elle va pouvoir réinvestir. On parle de 7,2 milliard d’euro par an sur les 15 prochaines années simplement pour remettre en état l’existant. Et c’est sans compter tous les projets donc le pays auraient besoin mais qui n’ont pas été construits depuis 15 ans. « Deutschland geht Kapput » et c’est la compétitivité des entreprises allemandes qui en pâtit.

Les Entreprises Allemandes Non Plus


La version officielle est que les entreprises allemandes ont réalisé d’énormes gains de productivité, les pays du sud doivent donc en faire autant pour redevenir compétitif… Mais où sont passés les investissements privés qui auraient dû permettre ces gains et être le socle de la renaissance industrielle allemande? Même chose que pour les investissements publics, ils sont à la traîne depuis 10 ans !!

De plus, dans une économie en pleine croissance, les employeurs auraient dû répondre au regain d’activité par un mixe d’embauches et d’augmentation des heures supplémentaires.

Mais ce n’est clairement pas le cas. Mis à part 2009, le temps de travail moyen en Allemagne n’a jamais été aussi faible. Comment, alors, expliquer la baisse du chômage ? Au moins en partie grâce aux réformes « Harz IV » qui ont créé les « Ein Euro jobs ». Traduction, l’employeur paye 1€ par heure et l’état fédéral continue de verser les aides sociales. Si le chômeur refuse, les aides sont coupées. Certes, mieux vaut quelqu’un employé qu’au chômage, mais de là à crier victoire… A ce jeu là, on pourrait certainement rapidement faire diminuer le chômage français, au moins en faisant fuir les fraudeurs, ce qui n’est pas plus mal, mais surtout en exploitant la misère des autres, ce qui est moins glorieux. La gauche se laissera-t-elle tenter ?

La Recette du Miracle Allemand


Même si le graphe est (volontairement) un peu fouillis, on voit très bien d’un côté deux pays l’Espagne et la Grèce (3 avec l’Irlande mais l’OCDE n’en fournissait pas les données) dont les coûts du travail ont vraiment dérapé. Et de l’autre, un seul pays, l’Allemagne, dont les coûts sont vraiment restés faibles voir inférieur à l’inflation. Voilà la vraie recette, une compétitivité gagnée par la compression des salaires.

Alors je sais que beaucoup trouvent génial d’appauvrir sa population pour développer des excédents commerciaux. Le problème de cette stratégie tient en quelques points dont voici les principaux :

  • La manœuvre n’a été possible que grâce à l’euro sans lequel le mark se serait envolé anéantissant l’avantage salarial durement acquis
  • Cela est venu au détriment de la demande interne qui a été matraquée au prix d’un chômage terrible jusqu’en 2006. L’Allemagne est maintenant complètement dépendante de ses exportations
  • Comment assurer l’avenir avec des investissements aussi faibles?
  • Les exportations allemandes se sont substitués à celles du reste de ses partenaires de la zone euro

Le dernier point est malheureusement évident dans les chiffres. L’Allemagne représente un quart du PIB européen, ses performances à l’exportation depuis 2002 auraient dû se retrouver dans une envolée des échanges et des excédents commerciaux de la zone euro. Au lieu de ça :

Oui, exportation et importation ont bien augmentés, mais d’environ 15% en 2000 ils sont passés à 17~17,5% à la veille de la crise. Depuis, ils augmentent à nouveau rapporté au PIB, mais plus parce que la croissance de la zone euro est maintenant sévèrement à la traîne de la reprise mondiale. Dans tous les cas, les performances allemandes sont difficilement visibles dans les échanges de la zone euro. Fondamentalement, l’Allemagne a sapé la base industrielle de ses voisins de la zone euro grâce à son faible coût du travail.

Les « Résultats » du Miracle Allemand

Pour finir, voilà la croissance allemande tant vantée dans la presse, par les pédants etc. Le modèle à suivre puisqu’on nous le dit!

Je concède que l’Allemagne fait mieux que l’Italie, mais… Sur 15 ans, sa croissance n’est pas extraordinaire. Le seul point positif est qu’elle a clairement et enfin rattrapé le reste de la zone euro pendant (et malgré) la crise. A part ça, depuis 2011 sa croissance ralenti, 3.2% cumulée entre le Q1 2011 et le Q1 2014, il faut être idiot pour qualifier cela de bonne santé économique !

Le « miracle » allemand est donc simple. Il s’agit de matraquer ses coûts salariaux, et au passage sa demande intérieure, devenir moins cher que ses partenaires commerciaux, et laisser ses excédents commerciaux prendre le relais de sa demande interne. Le tout sur fond d’investissements public et privés en berne!

Transposer le modèle Allemand

L’absurdité est que tout le monde ne peut pas générer simultanément des excédents commerciaux sauf à exporter sur mars, et une fois que plus personne n’investit, il ne faut plus espérer de croissance. De même, baisser les salaires donne un avantage compétitif aussi longtemps qu’on est le seul à le faire, mais quand tout le monde s’y met, on revient au point de départ sauf que le poids des dettes s’est alourdi relativement aux revenus.

L’ajustement allemand, quand le reste de la zone euro était en expansion, a été douloureux. L’ajustement à l’allemande du reste de la zone euro, sur fond de crise financière ne peut être que suicidaire. Les pays en crise doivent, d’un côté regagner en compétitivité en ayant moins d’inflation que l’Allemagne, de l’autre gérer une crise financière et un excès de dette privée qu’une faible inflation (voir la déflation) ne fait qu’aggraver…

C’est le fondamentalement ce qu’explique The Economist, The Telegraph, le Figaro, le Monde etc. Un peu tard, néanmoins, après avoir vanté le miracle allemand depuis 4 ans. A noter quand même que le US Treasury, quoique diplomatiquement, prévenait déjà fin 2013, avec le FMI, d’un risque de déflation dans la zone Euro. La situation actuelle était prévisible et prévue. Courage, il ne reste plus qu’à convaincre le ministre des finances allemand Wolfgang Schäuble, qui reste persuadé que réformes structurelles et innovation nous sauverons