Le Monde vient de publier un entretien avec Jean Pisani-Ferry, commissaire général à la stratégie et à la prospective. D’entrée de jeu, Pisani-Ferry répond à la question

Les Français, dites-vous en ouverture de votre rapport, sont considérablement plus inquiets pour l’avenir de leur pays que pour eux-mêmes. Pourquoi une telle inquiétude collective ?

Ils ont le sentiment que le collectif ne fonctionne plus. Pour comprendre ce divorce entre deux perceptions, l’une individuelle et l’autre collective, nous avons procédé à un bilan objectif de l’évolution de la France en prenant comme ligne de départ 1988, et en nous comparant aux pays qui disposaient, à l’époque, d’un revenu par habitant similaire au nôtre. Le diagnostic est un décrochage net : la France a perdu six points de produit intérieur brut par habitant par rapport à la moyenne de ces pays.

Pourquoi est-ce une affirmation de très mauvaise foi ?

Pisani, Révise tes Maths

Faisons confiance à Pisani-Ferry et supposons réel le décrochage du PIB par habitant de 6 points, il oublie, ou fait semblant d’oublier, que quand une fraction diminue cela peut tout simplement signifier que son dénominateur augmente ! Autrement dit, le PIB par habitant de la France décroche par rapport aux autres pays européens pour des raisons démographiques. Comparons par exemple la France et l’Allemagne :

Depuis 1988, la France a maintenu le nombre de ses naissances, là où l’Allemagne a décroché encore un peu plus à partir de 1991. Que se serait-il passé si cette dernière avait maintenu un nombre de naissances à ~1 million par an ? Un calcul rapide montre sur cette base un déficit de 5 184 000 naissances de 1992 à 2012 ! Et un tour sur Eurostat montre que l’Allemagne aurait alors eu une population supérieure de 6.4% en 2012. Et la natalité de l’Allemagne n’est pas exceptionnelle en Europe, bien au contraire… Elle est à peine inférieure à la moyenne de la zone euro !!

En supposant, pour simplifier, que la population des moins de 20 ans à une contribution quasi nulle à la création de richesse d’un pays développé, à performance économique égale, la France ne pouvait donc enregistrer sur la période qu’un « décrochage » de 6.4% de son PIB par habitant… soit supérieur aux 6% de Pisani. Certes, le calcul est un peu simpliste mais il a le mérite de montrer l’ordre de grandeur des effets démographiques qu’ignore (sciemment ?) Pisani.

Bouillie Intellectuelle

A partir de là, que dire du reste de l’entretien? Pas grand-chose de brillant. Je relèverai quand même sa remarque sur les dépenses de santés

dans la santé, par exemple, les travaux de l’OCDE ont montré que nous dépensions de l’ordre de 10 milliards de plus que les pays les plus efficaces pour un résultat équivalent.

Alors quelques ordres de grandeur en 2013

Bien sûr, 10 milliards d’économie hors contexte, cela parait énorme, mais rapporté à l’ensemble des dépenses de santé cela ne représente que 4.1%. Pour un système qui est régulièrement décrié pour sa trop grande générosité ou sa gabegie, on a vu pire. Et quant aux résultats, je vous laisse comparer par rapport aux autres pays de l’OCDE, nous sommes premiers à l’espérance de vie à 65 ans, hasard c’est la tranche d’âge la plus coûteuse.
Bien sûr je ne dis pas qu’il ne faut pas tenter d’optimiser le système de santé français. Il y a beaucoup à faire, dématérialisation des dossiers médicaux, limitation de la surconsommation d’antibiotiques, anxiolytiques, somnifères, etc. Mais il ne faut pas fantasmer, notre système de santé n’est pas si mauvais que ça et fait même franchement mieux que celui des USA beaucoup plus coûteux. Ou alors, et je suis surpris à ce stade que Pisany-Ferry n’y ai pas pensé, pourquoi ne pas euthanasier les vieux dans un pur souci patriotique de redressement de la compétitivité française ?

Catastrophisme, Déclinologie et Mauvaise Foi

Ce qui m’irrite le plus dans tous ces rapports est l’auto-bashing permanent de la France. Il ne s’agit pas de dire que notre pays ne rencontre pas des problèmes depuis la fin des trente glorieuses, mais objectivement il en va de même des autres pays occidentaux et la France ne s’en tire pas la plus mal. De même, je ne nie pas le besoin de réformes ou d’évolutions de ses services publiques ou de son économie. Mais pondre des rapports de mauvaise foi dans lesquels les statistiques sont soigneusement sélectionnées pour noircir le tableau… Certes, cela permet de se rendre intéressant et d’être invité sur les plateaux télés, mais cela aide-t-il vraiment à résoudre les problèmes ?