Je suis tombé tout à l’heure sur l’article suivant qui commente une étude de Coe-Rexecode et explique que :

La durée effective annuelle moyenne de travail des salariés à temps complet est « en France la plus faible (avec la Finlande) de tous les pays européens », indique la société de recherches économiques proche du patronat, se fondant sur des données recueillies à sa demande par l’office européen de statistiques Eurostat.

En gros, le journaliste du Monde reprend l’étude à son compte et laisse entendre que le temps de travail des français a connu un déclin drastique comparé aux autres pays européens, en clair la France est dans une situation de sous-emploi massif.

Forcément, cela donne envie d’aller faire un tour sur la base de donnée de l’OCDE mais qui ne fournit cette statistique que par travailleur et non par salarié à temps complet.


Et là, c’est quand même assez drôle.

  • La Finlande est loin d’être la dernière.
  • L’Allemagne et les Pays-Bas font moins bien que la France !!
  • L’Italie comme la Grèce sont bien placées… Pour le bien que cela leur fait !
  • Bien vu la période 1998-2013 : cela se focalise sur l’application des 35h et évite de parler du « décrochage » irlandais

D’où vient un tel décalage ? L’article explique que l’étude « se fonde sur des données recueillies à sa demande par l’office européen de statistiques Eurostat ». En clair, ces statistiques ne sont pas disponibles directement, et Coe-Rexecode a donc demandé à Eurostat les données brutes sur 15 ans. Comment ne pas comprendre que les manipulations statistiques de Coe-Rexecode n’ont probablement pas la même rigueur que celles d’Eurostat et que cela a probablement du fausser toute comparaison dans le temps pays par pays ?!

Que Nous Montre les Chiffres de l’Étude?

Pas grand chose tel quel. La France a fait le choix des 35 heures. Choix discutable et discuté, certes, mais de là dire qu’on observe clairement un déclin Français… Le choix de 1998 comme date de départ par Coe-Rexecode est donc trompeur. Prendre 1995 par exemple, change bien des choses.

Tous les pays développés ont enregistré un baisse du temps de travail durant les 20 dernières années. Est-ce vraiment un problème économique ou un simple choix social ? Difficile à dire mais en attendant, la Roumanie est en tête du classement, l’Italie et la Grèce sont bien classées aussi !! Par contre l’Irlande exemplaire a décrochée pendant sa période de forte croissance. Je suis donc loin d’être convaincu par le problème économique… Et si la conclusion de l’étude est de dire qu’en supprimant les 35 heures la France se redressera, il faut une certaine dose de mauvaise foi. Le temps de travail de la Roumanie correspond à 42h par semaine, 50 semaine par an. Les pays pauvres travaillent sans relâche, et alors ? Ils sont pauvres et peu productifs, telle est leur triste réalité. Devrions-nous comprendre que l’occident doit aussi revenir sur le travail des enfants ?

Par contre, il aurait été intéressant d’expliquer le différentiel pays par pays entre le temps de travail des salariés à temps pleins et des travailleurs. Dans le cas de l’Allemagne, cela montre que la baisse du chômage des dernières années s’est accomplie essentiellement grâce au travail à temps partiel (et précaire ?). De méchantes langues pourraient dire qu’elle a mieux réussi les 35h que Martine Aubry ! Dans le cas de la Finlande, faut-il croire que les travailleurs indépendants remontent brutalement la moyenne !? Bizarre.

Que peut-on Conclure ?

Comme d’habitude, c’est facile de raconter n’importe quoi. Et les journalistes du Monde ont fait preuve de peu de discernement en reprenant naïvement l’étude d’une officine proche du patronat. Mais j’imagine que parler du déclin de la France est toujours plus vendeur…

Mais au delà de ça, on nous présente sans cesse une vision du monde simpliste dans laquelle les pays du nord de l’Europe travaillent, épargnent et croissent, pendant que les pays latins, ou club med, font fiesta et siesta et s’endettent. Et comme dans la fable de la Fontaine, les cigales en payent le prix l’hiver venu. Bien évidemment, la réalité est plus complexe. Alors faut-il s’en encombrer quitte à perdre l’occasion d’asséner une bonne leçon de morale économique ? Voilà une question qui mérite d’être posée.