Nous avons eu le droit ces derniers mois à une série d’articles sur le retour de la croissance dans des pays comme l’Irlande, la Grande Bretagne ou l’Espagne. Certains en ont profité pour justifier les cures d’austérité, comprendre après une période de saignées d’assainissement nécessaire, la situation s’améliore. Qu’en est-il vraiment?



J’ai placé les USA à titre de comparaison, après tout il s’agit de l’épicentre de la crise financière de 2008. 2007 sert d’année de référence. Clairement, la reprise n’a rien d’impressionnant. Mais qu’en est-il par rapport aux autres pays de la zone euro? Par soucis de clarté, j’ai séparé les données dans un 2ème graphique.

Là on comprend mieux que quand on a creusé un trou suffisamment profond, il n’y a plus qu’une direction possible où aller et c’est vers le haut!! Alors on pourrait argumenter que certains pays ne pouvaient échapper à l’apurement des déficits publics. Ceci dit, les USA ne sont pas exactement un modèle de faible endettement et d’excédents commerciaux. De plus, c’est sans compter sur l’effet du multiplicateur fiscal proche de 1,5 en ces temps de crise. Le PIB a simplement diminué plus vite que la dépense publique et au final les pays ayant pratiqué l’austérité la plus sauvage n’ont pas vraiment amélioré leur ratio de dette publique.


Objectivement, seule la Grande-Bretagne semble se sortir le moins mal de sa cure d’austérité, et encore. Seulement il ne faut pas oublier qu’elle dispose de sa propre monnaie et a largement dévalué, sa banque centrale monétise la dette à un rythme à faire pâlir plus d’un chancelier allemand, et elle connaît une inflation soutenue (près de 20% sur les 6 dernières années).

Les faits sont têtus

A entendre le discours politique/économique actuel, l’Allemagne ignore la crise, les pays qui ont assaini leurs finances redécollent après avoir retrouvé la confiance des marchés, la France s’enfonce et doit aussi s’y mettre sous peine de péricliter. Et bien sûr, la crise de l’euro est due à l’irresponsabilité fiscale des États.
Or une simple lecture des données montre le contraire. L’Espagne et l’Irlande sont rentrées dans la crise avec un niveau d’endettement public faible, et c’est le sauvetage de leurs banques doublé de la chute des rentrées fiscales qui a surtout fait gonfler leur dette. L’austérité dans un contexte quasi-déflationniste a été contre-productive, elle a ravagé les économies sans faire baisser les ratios d’endettement. La BCE, avec son programme OMT, a certainement beaucoup plus fait pour baisser les tensions sur les taux d’intérêts qu’un assainissement des finances qui n’a pas eu lieu. L’Allemagne, qui ignore la crise, n’a eu que 4% de croissance en 6 ans, plutôt médiocre donc. Et surprise, la France qui s’effondre fait à peine moins bien mais beaucoup mieux que le reste de la zone euro. Notons aussi la très nette inflexion de la croissance européenne à partir de 2011, année de la mise en place des programmes d’austérité. Et même l’Allemagne n’y échappe pas.

Bref, il serait peut-être temps que notre élite politique européenne ouvre les yeux au lieu de s’enfermer dans ses préjugés ou autres croyances. C’est une chose d’avoir mis en place des politiques désastreuses depuis 3 ans, cela en est une autre de continuer droit dans le mur en saisissant le moindre soubresaut pour justifier ses erreurs et appeler à continuer. Bien évidemment, la zone euro finira par sortir de la récession! Ce n’est qu’une question de temps, après tout le Japon a juste mis plus de 10 ans. En attendant, les millions de chômeurs apprécieront.