Les bretons viennent de déclarer la guerre à l’écotaxe. Et quelque part Hollande l’a bien cherché. A force d’augmentations incessantes des impôts, certaines discrètes, d’autres moins, mais le tout sans aucune lisibilité, le point de rupture semble avoir été atteint avec l’écotaxe. Malheureusement, dans tout cela, je n’ai pas l’impression qu’on ait essayé de savoir à quoi servait l’écotaxe et si, quitte à taxer, on ne pouvait pas faire mieux autrement.
L’Écotaxe coûte cher
Sans crier à la corruption, quoique l’on risque d’en découvrir de belles, l’écotaxe nécessite une infrastructure complexe d’où son coût élevé. Il s’agit de 183 portiques construits à travers la France et bardés de caméras et d’électronique, pour un prix annoncé par portail entre un demi et un million d’euro. Mais aussi 800 000 transpondeurs déjà distribués, le développement des logiciels associés, les frais d’entretiens etc. Ecomouv’ déclare avoir déjà engagé 600M€ et le contrat prévoie une rémunération par un loyer annuel de 230M€ pendant 13 ans. Avec un rendement prévu de la taxe en 2014 de 1.2 Md. d’euro, les frais de gestion de l’écotaxe atteignent donc les ~20%. Qui a dit « usine à gaz » ?

L’écotaxe, à quoi ça sert?

Officiellement:

L’écotaxe vise à instaurer un cercle vertueux : dans une logique écologique, c’est un signal prix pour inciter à modifier les comportements en faveur de modes de transport plus durables ; elle permet aussi de faire payer l’usage des routes par l’utilisateur réel, tout en dégageant des recettes pour financer les infrastructures de transport, notamment le rail et le transport fluvial. Comme elle concerne aussi les camions vides, elle sera dissuasive et incitera les transporteurs à rationaliser leurs tournées.

Traduction:

  • Inciter les transporteurs routiers à optimiser leurs trajets, ils aiment faire tourner leurs camions à vide c’est bien connu !
  • Financer les infrastructures, ce qui 200 ans après la révolution ne fait toujours pas partie des fonctions régaliennes de l’État!
  • Baisser les émissions de CO2

On remarquera aussi que les autoroutes ne sont pas concernées. J’imagine qu’elles doivent déjà être durables…

Pouvait-on faire mieux?

Vu les buts affichés, je pense immédiatement à la TIPP. Quitte à taxer, autant augmenter les prix des carburants si on souhaite inciter tout le monde à utiliser des véhicules plus performants et optimiser les kms parcourus. Au moins, on aurait pu commencer par aligner la TIPP du diesel sur celle de l’essence et cela n’aurait pas coûté 250 M€ par an !! On aurait pu aussi imaginer un système de vignette comme en Suisse. D’ailleurs l’écotaxe est mise en place dans le cadre de la directive « euro-vignette« . Rien n’empêchait non plus d’affecter les recettes supplémentaires au développement de modes de transport plus durables.

Alors l’écotaxe ça sert à quoi vraiment ?

Finalement, l’écotaxe-usine à gaz faisait jusqu’à récemment quand même l’unanimité gauche-droite. Pour une taxe supplémentaire et de plus labellisée « écologique » c’est suspect. Je pense que la réponse se trouve là

Le prélèvement de l’écotaxe ne dépend pas de la nationalité du véhicule, mais uniquement des kilomètres parcourus par le véhicule sur le réseau routier français.
Trois régions bénéficient d’un abattement de la taxe en raison de leur éloignement du reste de l’espace européen : 50 % d’abattement pour les routes de Bretagne et 30 % pour celles d’Aquitaine et de Midi-Pyrénées.

Et on comprend alors mieux pourquoi les autoroutes n’y sont pas sujettes. Le but était simplement de mettre en place des péages sur le réseau secondaire et de faire participer à son entretien les transporteurs routiers des autres pays de l’Union sans pour autant s’attirer les foudres de Bruxelles. Des pays l’ont mis en place, Suisse, Autriche, Allemagne, République tchèque, Slovaquie et d’autres le feront probablement. Dans ce contexte, ne pas s’y mettre revenait pour la France à subventionner le réseau routier des pays voisins. Le label « éco » a donc juste servi d’enjoliveur.

Bref, il s’agit encore d’un point positif pour la lisibilité fiscale, d’un autre pour l’écologie, et d’un dernier pour le projet européen et la non-concurrence fiscale entre les états. Et pourtant, l’épisode écotaxe montre bien que certaines compétences étatiques auraient eu plus de sens à être gérées au niveau européen. On aurait très bien pu imaginer, dans un monde meilleur, un transfert au niveau européen de la gestion des infrastructures avec les budgets associés… Mais là, on peut toujours rêver!