Je lisais hier un article sur la Russie cherchant à attirer les capitaux étrangers alors que, dans le même temps, elle dispose des réserves de $171 Md. Surprenant? Quelques remarques sur son état économique.

La limite des hydrocarbures

La production pétrolière, source EIA, s’infléchit fortement et pendant ce temps la demande intérieure progresse. La part disponible à l’export stagne donc depuis 2006.


La production gazière, elle, pourrait progresser mais avec le boom du gaz de schiste aux US, les cours mondiaux ne sont pas au plus haut.
Production de gaz naturel en Russie.
La Russie exporte essentiellement des matières premières (80%) et les perspectives de croissances de ses exportations ne sont donc pas réjouissantes. De plus, elle a été victime de la malédiction des matières premières.
1 rouble en $L’inflation, la Russie l’a eu alors que le rouble n’a pas vraiment fléchi par rapport au dollar, il s’appréciait même jusqu’à mi-2008. Comment s’étonner alors que son industrie hors hydrocarbure ne réussisse pas à rester compétitive? Il est assez difficile de trouver des données détaillées sur le net, mais en observant la production industrielle en volume par rapport au PIB, le déclin ressort. Il est dans un premier temps masqué par le boum pétrolier mais est visible dès 2006 quand la production commence à fléchir et les prix du baril s’envolent, rien ne prend le relais.

Pétrole, Cache-Misère russe

Le plus surprenant dans ces chiffres est que la Russie aurait dû être relativement épargnée par la crise financière fin 2008. Faible endettement public, elle n’exporte pas grand chose sauf ses hydrocarbures qui n’ont pas été trop affectés en volume. Leurs prix ont chuté mais sont vite revenus à des niveaux confortables. Or le PIB entame sa chute dès le 2ème trimestre 2008, soit en phase avec les cours du pétrole et plusieurs mois avant l’éclatement de la crise financière début septembre! Il mettra alors 3 ans à revenir à son niveau d’avant crise, au moment où les prix du pétrole repassent les $100/baril.

La Russie peut-elle vivre avec un pétrole à moins de 100$?


La part des importations dans le PIB est restée assez stable depuis 2004 autour de 21% malgré un rouble fort et de l’inflation. Et c’est remarquable. Cela donne l’impression que la croissance de la Russie dépend complètement de sa capacité à dépenser ses revenus pétroliers. Bien entendu, ces derniers n’ont pas vraiment pu suivre la croissance du PIB durant la dernière décennie, leur stagnation/déclin à venir prévisible représente donc le problème majeur de l’économie russe. Que va-t-il se passer lorsque la balance commerciale reviendra à zéro, c’est à dire probablement d’ici une dizaine d’année à ce rythme!? Je vois trois options possibles

  • Vider ses fonds de réserves
  • Repartir dans des conflits avec l’Europe sur le prix du gaz
  • Attirer des capitaux étrangers pour financer le déficit commercial

La première n’aura qu’un temps, la deuxième dépendra de la bonne santé économique de l’Europe et est menacée par un éventuel développement des gaz de schistes. Seule la troisième est viable à long terme et aurait le double avantage de moderniser l’économie. Poutine souhaite donc développer les infrastructures et espère aussi attirer les IDE pour bénéficier du savoir-faire étranger. Premier écueil, en sollicitant les réserves des retraites, très certainement investies à l’étranger, dans une économie proche du plein-emploi, le risque est très fort de relancer à la fois l’appréciation du rouble et l’inflation. La corruption endémique, l’absence d’état de droit et de sécurité juridique sont, bien entendu, un frein majeur à l’investissement étranger. Les cas de Yukos, de Shell à Sakhalin et j’en passe sont là pour rappeler que faire du business est décidément bien difficile en Russie.

En conclusion, la Russie a extrêmement mal géré ses revenus pétroliers. Ces derniers ont surtout mis à mal son secteur industriel au lieu de servir au développement du pays. Pour répondre à une question de l’article

Where is your industry? You can produce super excellent jet fighters, but what else?

Dans un proche avenir, malheureusement pour les russes, probablement pas grand chose…