La balance des paiements, d’après la définition de l’OCDE, est le solde des transactions internationales d’un pays avec le reste du monde. Il s’agit des flux nets de biens et services, de revenus, transferts de capitaux, et des flux financiers d’un pays. Les définitions françaises étant légèrement différentes, j’utilise donc les termes anglo-saxons (mea culpa) en suivant les définitions de l’OCDE. La balance des paiements a deux composantes.

Current Account qui se décompose elle-même en
Balance of Trade: le solde des échanges commerciaux de biens et services
Balance of Income: les revenus net des investissements étrangers, les salaires des frontaliers, etc.
Balance of Current Transferts: les flux sans contrepartie. Donation, aide, etc.

Capital and Financial Account qui se décompose en:
Balance of Capital Account: transferts des actifs physiques, usines, véhicules, immeubles etc.
Balance of Financial Account:

  • Direct Investment
  • Portfolio investment
  • Other investment
  • Reserve assets

D’un côté, la balance des comptes courants représente donc sur l’année les « dépenses et recettes » d’un pays, secteur privé et publique. Si elle est excédentaire, ce pays dispose d’une épargne investie à l’étranger, sinon il s’endette auprès du reste du monde.

La balance des paiements est par définition nulle

Un exportateur chinois qui vend pour $1Md de biens aux US a deux possibilités. Il peut soit rapatrier ses profits en Chine. Il doit alors trouver quelqu’un avec qui échanger ses dollars contre des yuans, par exemple un exportateur US rapatriant ses propres revenus, un résident chinois décidant d’investir aux US etc. Il peut aussi laisser son $1Md aux US, en l’investissant lui-même par exemple ou en le déposant à la banque qui l’investira à sa place. A l’extrême, s’il achète un entrepôt pour y stocker des palettes de billets de $500, gare aux rats, et cela revient au même, la monnaie étant la dette du gouvernement fédéral.
Dans le cas de l’euro, il existe toujours, in fine, le système TARGET2 qui assure la liquidité à l’intérieur de la zone euro, et les banques centrales se prêtent entre elles.

Pour exporter, il faut une sortie de capitaux

Sinon, la balance des comptes courants va s’équilibrer, typiquement grâce à une appréciation de la monnaie. La Chine a décidé de fixer sa monnaie face au dollar. Sa banque centrale imprime donc des yuans avec lesquelles elle rachète des dollars qu’elle place alors en bons du trésor US. Bilan, la Chine a prêté, jusqu’à maintenant, environ ~$3 000 Md à Uncle Sam. Il n’est donc pas du tout évident qu’en prêtant aux US, la Chine lui rende service. Dans tous les cas, elle n’a pas vraiment le choix et doit continuer sauf à voir le yuan décoller et ses exportations s’effondrer.

A travers le monde 1980-2008

Balance des Comptes Courants cumulées 1980-2008
Pris sur Wikipedia, j’ai la flemme de recompiler les données. 2 remarques

La France n’est pas surendettée depuis 30 ans

Elle a beaucoup de dette, certes, mais elle a encore plus prêté à l’extérieur. Il s’agit bien de l’endettement des différents acteurs, publics et privés. Pourquoi ne pas se limiter au public? La crise financière a rappelé que secteur public et privé sont liés. Les différents pays qui ont laissé filer l’endettement privé (UK, USA, etc.) n’ont eu d’autre choix fin 2008 que de sauver massivement leur secteur financier, soutenir leur économie et laisser grossir les déficits de leurs organismes sociaux.
Inversement, le secteur privé, à travers les impôts, est responsable des dettes du secteur public.

On voit alors apparaître essentiellement 5 groupes de pays

Les pays exportateurs d’hydrocarbures
Ils ont une balance des comptes courants positive. Fondamentalement, ils ont retenus la leçon des années 70, une forte rentrée de pétrodollars qui apprécie leur monnaie, génère de l’inflation, aplati les industries exposées à la concurrence internationale suivi d’un drame lorsque les cours du pétrole refluent. Ils ont monté, depuis, des fonds d’investissements qui placent leurs recettes pétrolières dans les économies de leurs clients.

Les pays en voie de développement
Ils ont fondamentalement besoin de capitaux pour développer leurs économies. En partant de bas et avec une forte croissance, ils n’ont pas trop de difficultés à les attirer. Ils exportent alors pour rembourser les intérêts. C’est plutôt positif dans le sens où cela leur permet de développer infrastructures et industries, mais présente aussi un risque de fuite de capitaux, comme lors de la crise asiatique de 1997.

Quelques pays européens avec une balance positive
Il ne faut pas oublier non plus que la balance des revenus de ces pays peut leur permettre d’entretenir des déficits commerciaux. C’est même inévitable sauf à interdire à leurs résidents de disposer comme il l’entendent de leurs revenus. Celle de la France se montait à 45Mds d’euro en 2011. A noter que depuis 2006, elle entretient une balance des comptes courants négative (40 Mds € en 2011). C’est sans conséquence à l’heure actuelle mais plus inquiétant sur le long terme. Normalement, dans un régime de changes flexibles, ce déséquilibre aurait entraîné une dévaluation progressive du franc qui aurait stimulé la balance commerciale. Dans le cadre de l’euro…

Le trio des exportateurs atypiques
La Chine, le Japon et l’Allemagne. Leur situation est atypique dans le sens où ils entretiennent à la fois des excédents commerciaux et une balance des comptes courants fortement excédentaires grâce à leurs exportations de produits manufacturés. Leur stratégie économique présente cependant des similarités.
Chine et Japon limitent l’appréciation de leur monnaie au dollar en achetant massivement des bons du trésor US. Il s’agit d’une dévaluation externe, ou dit moins diplomatiquement, d’une manipulation monétaire. Le Japon depuis 1991 est là pour rappeler que des excédents commerciaux ne sont pas nécessairement le signe d’une économie en bonne santé.
L’Allemagne, à défaut de pouvoir dévaluer sa monnaie face à ses partenaires commerciaux de la zone euro, mène depuis le début des années 2000 une dévaluation interne. Ses excédents commerciaux sont partis s’investir dans les bulles immobilières des pays du sud de l’Europe.

Les pays avancés montrés en « modèles »
Je pense aux pays que nous étions priés d’admirer pour leur croissance forte et chômage faible. Les US, Grande-Bretagne, Espagne, Irlande, Islande, Chypre… Une fois la crise passée, on réalise que ces pays ont surtout bénéficié d’un afflux de capitaux qui a financé/créé une bulle immobilière dans les années 2000. Les dettes publiques étaient relativement faibles, par contre les dettes du secteur privé (et surtout bancaire) étaient importantes et très mal investies (subprime). Fin 2008, brutalement, les banques cessent de prêter, ménages et entreprises cherchent à se désendetter massivement et l’économie s’effondre.

Pour conclure

Traditionnellement, les économies avancées exportaient leurs capitaux vers les pays en développement, et finançaient leurs déficits commerciaux avec une partie des revenus de leurs investissements. Depuis une trentaine d’année ce cycle a été remplacé par un autre dans lequel des pays pas nécessairement riches exportent leurs capitaux vers les économies avancées. Ces dernières, enfin celles qui ont réussi à « attirer ces capitaux », ont alors bénéficié d’une bonne croissance, d’un faible taux de chômage le tout sur fond du bulle immobilière. Je caricature, mais il faut reconnaître que la coïncidence est troublante. Est-ce un modèle économique soutenable? La réponse est tombée fin 2008.
En dernière remarque, depuis 2009 les US se sont endettés sur une échelle sans précédent depuis 1945. Les « esprits éclairés » y ont vu l’accentuation d’une dépendance financière vis-à-vis de la Chine. La chute des déficits commerciaux en 2009 entraînant celle du déficit de la balance des comptes courants montre tout le contraire. L’État fédéral s’est essentiellement financé auprès de ses résidents.