Suite au post précédent, j’aborde maintenant le cas de la zone Euro. L’idée allemande du redressement de la zone euro est une version économique de « qui a pêché doit faire acte de pénitence« . Il s’agit du triptyque

  • Austérité: (T-G) augmente
  • Gain de compétitivité par la baisse des salaires: baisse de la consommation
  • Redressement de la balance commerciale: (X-M) augmente


En supposant que ça marche
A l’heure actuelle, ménages et entreprises de la zone euro cherchent déjà tous à se désendetter simultanément, l’austérité publique va donc devoir s’accompagner d’une augmentation des excédents commerciaux. De quel ordre? Le problème est que, contrairement à la légende, la zone euro n’exportait que ~16% de son PIB avant la crise avec un solde à l’équilibre. Pour compenser la chute de la demande interne, la « solution allemande » va donc devoir faire exploser les excédents commerciaux. Facile avec des salaires en baisses?

Les excédents commerciaux peuvent-ils vraiment exploser?
C’est possible, si la zone Euro trouve d’autres pays vers qui exporter massivement pour compenser la chute de sa demande interne (~85% du PIB). Et là, j’ai de sérieux doutes. Il ne reste pas beaucoup de pays à travers le monde à la fois capables et souhaitant s’endetter pour absorber les excédents commerciaux européens. Certainement ni la Chine ni les US. L’Euro ayant un taux de change flexible, les éventuels excédents commerciaux vont donc plutôt aboutir à une hausse de l’euro et des salaires européens relativement aux autres régions. En attendant, la demande interne sera durablement plombée jusqu’à ce que les différents acteurs économiques aient apurés leurs bilans. Cela finira par arriver, mais mettra beaucoup plus longtemps. C’est exactement ce qui est arrivé au Japon à partir de 1991. Cela explique pourquoi les tentatives d’austérité en Europe aboutissent à plus de chômage et un déficit public rapporté au PIB toujours aussi élevé (voir la discussion page 41 du chapitre 1 du WEO de l’IMF).

La solution allemande fonctionne donc très bien… quand personne d’autre ne l’applique. Si chaque pays cherche à faire la même chose, ça ne peut que finir par un désastre. D’ailleurs…

Si, il faut faire comme l’Allemagne !
Les échanges de la zone euro ayant légèrement augmentés avec un solde à l’équilibre alors que dans le même temps ceux de l’Allemagne explosaient, n’y a-t-il donc personne parmi nos politiciens/journalistes/eurocrates pour comprendre que les excédents allemands se sont réalisés essentiellement au détriment de ceux du reste de la zone euro selon le bon vieux principe des vases communicants.

Mais, les États ne peuvent pas perpétuellement s’endetter pour soutenir leurs économies
Oui. Mais simplement le temps que les acteurs privés nettoient leurs bilans et se remettent à investir. Et on se désendette difficilement quand l’économie s’effondre (voir la Grèce).

Mais les États devront bien payer un jour leurs dettes
Non. Un État ne rembourse jamais ses dettes. Il les ramène à un niveau raisonnable quand son économie va mieux. Dans tous les cas, il s’agit essentiellement d’argent que nous nous devons à nous-même.

Mais on va finir comme la Grèce ou l’Espagne
Bof. L’excès d’épargne fait que les taux auxquels empruntent les États sont presque à zéro, aussi longtemps qu’ils empruntent dans leur propre monnaie. Par exemple, aux US, les taux d’intérêt ont mis près de 30 ans à revenir à leur niveau de 1929 malgré le financement d’une guerre mondiale et un déficit à 120% du PIB.  Dans le cas de la zone euro, cela serait vrai si la BCE jouait son rôle en garantissant implicitement le crédit de chaque État. Mais a-t-elle vraiment un autre choix? Le seul risque est l’hyperinflation qu’on attend toujours malgré un quasi-triplement de la base monétaire des pays occidentaux depuis 2009.

Oui mais, c’est très théorique, simpliste, etc.
Peut-être, et il existe de nombreuses critiques constructives de cette approche comptable. Mais fondamentalement, j’essaye d’expliquer que toute « solution » à nos problèmes économiques qui suppose à un moment ou un autre un tour de passe-passe équivalent à 2+2=1 ne va pas marcher.