Plus précisément, ce post porte sur le pouvoir d’achat et l’indice des prix à la consommation (IPC). Vous savez, quand nos politiques déclarent à la télé que tout va bien, le pouvoir d’achat des français ayant encore progressé, alors que vous ressentez le vôtre comme en berne depuis plusieurs années! Alors qu’en est-il réellement?
L’INSEE utilise la définition suivante du pouvoir d’achat:

évolution du pouvoir d’achat =
évolution du revenu des ménages – évolution des prix

1er effet KissKool statistique
La France ayant une démographie positive, les revenus individuels peuvent très bien baisser et dans le même temps ceux de l’ensemble des ménages augmenter. D’ailleurs, cela s’est produit en 2008 et 2011. Pour cette raison, l’INSEE défini le pouvoir d’achat par unité de consommation. Je vous laisse deviner quel indicateur nos politiciens préfèrent utiliser.

Bien sûr, il y a plus subtil, notamment avec l’indice des prix à la consommation (IPC).

2ème effet statistique: le progrès technologique ou « qualité constante »
Supposons que j’ai acheté 5 ans auparavant une Clio sans option à 15000€. Je la remplace par la même Clio modèle 2013 à 18000€.
Moi: je vois 20% d’inflation
L’INSEE: FAUX! L’institut va voir une meilleure consommation d’essence, des équipements supplémentaires, de meilleurs aciers etc. et en conclu que le modèle 2013, s’il avait existé en 2008, aurait probablement coûté 16500€ et en déduit 9.1% d’inflation. Arnaque? Oui et non. Ne pas le faire reviendrait à valoriser à 0 le progrès technologique, entre, autre exemple, l’iPhone3G et le dernier iPhone5. Quoique…

3ème effet statistique: la substitution
Supposons que je roule 40 000km par an avec une consommation à 10L/100km et une essence à 1.5€. Je dépense 6000€ de carburant. Le diesel coûtant 1€, je décide de changer pour une Clio diesel consommant 5L/100km. Pas de chance, le jour même, tous les carburants augmentent de 10%.
Moi: je vois 10% d’inflation
L’INSEE: FAUX! Je ne dépense plus que 2 200€ par an de carburant. L’IPC enregistre donc une baisse de 63% !! Là c’est fort, mais il faut retenir que l’IPC sert de base au calcul de mon pouvoir d’achat et ce dernier a effectivement augmenté de 3800€ dans cet exemple.

4ème effet statistique: les loyers
L’immobilier et les loyers viennent d’augmenter de 10% cette année (enfin ça c’était avant 2008).
Moi: je vois une inflation de 10%
L’INSEE: VRAI pour les locataires. FAUX pour les propriétaires. L’achat d’un bien immobilier, y compris son logement, est vu comme un investissement. Pour l’INSEE, vous allez juste épargner une somme plus importante pendant là durée de votre crédit.
Ceci dit, dans le calcul du pouvoir d’achat, les propriétaires sont vus comme se payant un loyer à eux-mêmes. Ne riez pas, cela rentre en compte dans le calcul du PIB et j’ai déjà vu des « gens sérieux » suggérer qu’on taxe ces loyers fictifs comme des revenus !! Conclusion, l’INSEE considère quand même que l’inflation de l’immobilier réduit le pouvoir d’achat des propriétaires. Mais au passage il sous-estime brutalement l’inflation subie par les locataires et exclu de l’IPC les biens immobiliers.

5ème effet statistique: la structure de la consommation
L’IPC se base sur une moyenne de notre consommation. Mais nous ne consommons pas tous la même chose en même quantité. Sortez la calculette de l’INSEE et vous constaterez que vous aurez été relativement épargnés par l’inflation si vous achetez votre voiture pour la laisser au garage, vous chauffez à l’électricité, téléphonez beaucoup, entretenez une importante garde-robe, évitez de fumer et si possible ne vous lavez pas!! Et comme toujours, mieux vaut être propriétaire que locataire. Bref, nous ne subissons pas tous l’inflation de la même manière.

Il s’agit donc là des principaux effets statistiques qui me viennent en tête. Il en existe probablement d’autres. A la décharge de l’INSEE, nous sommes aussi victime d’effets psychologiques.

1er effet psychologique: l’illusion monétaire
On a tendance à se considérer plus riche avec une augmentation de salaire de 8% et une inflation à 10% alors qu’on se sent toujours aussi pauvre avec une augmentation à 2% et une inflation à 2%.

2ème effet psychologique: effet cumulatif
2% d’inflation par an c’est presque rien. Cela représente quand même ~22% sur dix ans et ~49% sur vingt ans

3ème effet psychologique: le passage à l’euro
On se souvient que tel article valait 6,55F et maintenant il en est à 1,25€. Mais croyez-vous qu’il n’y a pas eu d’inflation de 1991 à 2001? L’INSEE calcule ~17% sur cette période.

4ème effet psychologique: « headline inflation »
On se souvient des augmentations de prix, elles font la une des journaux. On a tendance à ignorer les baisses. L’essence valait 1F en 1960. D’après la calculette de l’INSEE, 1F de l’époque à le pouvoir d’achat de 1.56€ en 2012. Autrement dit, l’essence a bien augmenté depuis, le reste des prix aussi, mais elle n’a pas amputé notre pouvoir d’achat sur 50 ans. Par contre, on a vite oublié les baisses de la fin des années 1980 ou celle de 2001-2002, 2009 etc.

5ème effet psychologique: la paranoïa et la théorie du complot
En même temps, vu la décrédibilisation actuelle de nos institutions, c’est inévitable…

Qu’en conclure? J’ai tendance à penser que l’INSEE reste quand même un institut sérieux (nous ne vivons pas en ex-URSS!). Le problème vient d’abord de la signification des statistiques et de l’usage que l’on en fait. L’IPC ou le pouvoir d’achat ont un intérêt essentiellement macroéconomique. Le citoyen ordinaire, qui a bien mieux à faire que de passer des heures à éplucher le site de l’INSEE, a une notion de l’inflation assez éloignée de l’IPC. Ces indicateurs sont donc à utiliser avec précautions. Bien évidemment nos politiciens, toujours l’œil rivé sur la prochaine élection et à la recherche, désespérée, de bonnes nouvelles, ne s’en embarrassent pas et décrédibilisent ainsi toujours un peu plus nos institutions.