Le décès le mois dernier de Margaret Thatcher a été l’occasion de voir fleurir de nombreux bilans et controverses sur son action à la tête de la Grande Bretagne. Forcément, j’ai eu envie, avec un peu de retard, de m’y joindre. Quoique l’on pense de ses politiques, Thatcher laisse, à son départ en Nov. 1990, un pays dans un meilleur état qu’elle ne l’avait trouvé et un minimum de mérite peut donc lui revenir.



Le déclin est évident dans les années 70. La Grande-Bretagne avait une économie malade, une forte inflation, un déficit public vertigineux (grec?), une industrie en perte de vitesse, et pour finir subi l’humiliation de quémander un prêt au FMI en 1976 !! Le redressement est net à partir de la fin des années 1980. Quelle part peut-on attribuer à la Dame de Fer? La réponse est et sera l’objet de débats sans fin. Cependant, il est toujours possible d’observer l’évolution des principaux indicateurs macroéconomiques et d’en profiter pour taper sur quelques mythes!


Sur le front du chômage, clairement une terrible explosion au début de son mandat suivi par une forte baisse. Notons, que l’économie et le chômage ne s’amélioreront vraiment que sous les mandats de ses successeurs, John Major et Tony Blair.


Succès sur ce point-là malgré l’effet du 2ème choc pétrolier de 1979. L’inflation fut beaucoup plus forte en Grande-Bretagne dans les années 70, elle revient vers les niveaux français et allemands sous Maggie. Comme quoi, rien de tel qu’une explosion du chômage pour faire redescendre l’inflation une fois les causes exogènes disparues. Un relatif succès sur ce front, elle repartira à la hausse vers la fin des années 1980.


Maggie a-t-elle liquidé l’industrie britannique? Le déclin (relatif, on parle en part du PIB) était déjà amorcé depuis un certain temps, et il s’agit d’une tendance longue dans les pays développés. En tous cas, elle a (brutalement) libéralisé l’industrie britannique, en privatisant et en cessant les subventions aux entreprises déficitaires. En même temps, il faut reconnaître que l’État est rarement un bon gestionnaire d’entreprise (comparer la Régie Renault des années 1980 avec Renault S.A. qui redressa Nissan), et subventionner des entreprises dont le déclin est inévitable (le charbon après plus de 2 siècles d’exploitation intensive) est le meilleur moyen de gaspiller l’argent publique sans rendre réellement service aux salariés.

Les baisses d’impôts. Maggie est perçue comme ayant baissé les impôts et les dépenses de l’État. Au détour de quelques lectures, « Income tax cuts balanced by rising gasoline duties and sales taxes fueled inflation ». Autrement dit, en baissant les impôts les plus progressifs et en augmentant les autres, elle a financé les baisses d’impôts des plus riches par des augmentations de ceux des plus pauvres. Et elle s’est fait sortir en 1990 sur la « poll-tax ». Soit, il s’agissait d’un choix idéologique, libérer l’initiative privée etc. Mais quel fut l’impact global?


Le problème est de séparer les effets conjoncturels. Généralement, pendant une récession, les prélèvements obligatoires vont baisser (les taxes sur les entreprises sont particulièrement volatiles) et les dépenses vont monter (programme sociaux, assurance chômage, etc.). On peut cependant, en approximation un peu brutale, comparer les dépenses lors des deux pics de chômages (83-86 et 93). On constate alors que

  • Les revenus ont augmenté malgré une crise économique sévère, et ça c’est fort!
  • L’écart des dépenses aux deux pics laisse penser une baisse d’un maximum de 5 points du PIB. Combien sont dus à la chute des taux d’intérêt ou le résultat des privatisations? En tous cas, résultat significatif sans être radical non plus

Et encore une fois, ses successeurs John major et Tony Blair auront une gestion des finances publiques beaucoup plus rigoureuse.

Que peut-on donc retenir avec certitude du règne de Margaret Thatcher?

  • Elle a marqué la Grande-Bretagne (Thatchérisme)
  • Elle a redoré son blason (malgré les Exocets des perfides français vendus aux argentins)
  • Elle n’a pas vraiment liquidé l’industrie britannique
  • Elle a globalement augmenté les impôts en taxant les plus pauvres
  • La Grande-Bretagne va vraiment redémarrer sous ses successeurs (John Major et Tory Blair)

Alors bien sûr, les défenseurs de Margaret Thatcher soutiendront que ses réformes permirent le redécollage de l’économie dans les années 90, ses critiques le contraire. D’autres interpréteront l’embellie des années 90 comme la financiarisation de l’économie dont la City fut un des principaux bénéficiaires. Le débat ne fait que commencer. J’en retiens surtout un bilan contrasté qui ne correspond pas tout à fait au mythe.